Ces dernières années, les organismes de certifications en Project Program Management ont eu le vent en poupe. La démarche de certification constitue un gage de qualité, et une base solide dans la gestion des programmes / grands projets. Mais cela suffit-il pour assurer leurs réussites ?

Personne ne contestera le fait que l’utilisation de référentiels méthodologiques (PmBok, Prince2, SAFe) est indispensable à la réussite d’un programme ou d’un grand projet. En effet, ces référentiels apportent un ensemble théorique de bonnes pratiques qui aident à mettre en place une organisation / structure efficace et à maitriser les engagements (coûts, délais, qualité). TASMANE maitrise bien évidemment ces référentiels méthodologiques et les applique chez ses clients.

Pour autant, TASMANE, fort de ses nombreuses expériences, est convaincu que la méthodologie ne suffit pas pour réussir un programme de grande ampleur. En effet, des savoir-faire évidents sont trop souvent laissés au second rang.

Schéma d'un programme

Dans les programmes que nous accompagnons, nous nous efforçons donc de promouvoir et de maintenir ces savoir-faire qui conditionnent la cohésion du collectif en charge du programme et la motivation de chaque acteur. ​

TASMANE propose d’exposer 6 savoir-faire en les illustrant avec des cas concrets rencontrés en mission via une série d’articles.

Savoir-faire n°1 : RESPONSABILISER

L’arrivée d’un programme :  le bouleversement des habitudes

Tout programme de transformation se veut être ambitieux et sa mise en œuvre se révèle bien souvent très complexe compte-tenu du nombre et de la diversité́ des parties-prenantes (avec un écosystème riche et des modes de fonctionnement différents).

Un programme possède ses propres caractéristiques avec :

• Sa propre organisation, qui décloisonne bien souvent les logiques départements/services présentes dans les structures,

• Sa propre temporalité en imposant des jalons aux équipes venant de différents horizons afin d’atteindre un objectif commun,

• Ses propres adhérences, qu’elles soient techniques, fonctionnelle, humaines qui influencent grandement les interactions entre les différentes équipes

• Son propre circuit de décision qui diffère bien souvent de la gouvernance déjà en place

Naturellement, certaines équipes, qui seront mobilisées par le programme, peuvent se retrouver « désorientées » quand elles rejoignent une organisation programme, en voyant leurs habitudes de fonctionnement et leurs activités bouleversées.

Il est donc réellement important de prendre le temps avec chaque équipe pour leur dessiner le panorama du programme et de leur expliquer leur positionnement vis-à-vis de l’ensemble des parties prenantes.

L’établissement des responsabilités et la nécessité de co-construction

Chacun d’entre nous, ayant travaillé sur un programme, a entendu parler de la matrice RACI (Responsible, Accountable, Consulted, Informed).

Construite en phase de cadrage, cette dernière permet de délimiter les rôles et responsabilités de chacun dans les différentes phases d’un projet/programme. Elle est souvent intégrée dans un document de type plan projet ou PAQ.

C’est un outil, somme toute assez classique, mais primordial pour éviter les déconvenues, une fois le programme lancé.

TASMANE a œuvré dans l’accompagnement au pilotage d’un grand projet de migration SIRH au sein d’un Ministère.

La nature du projet (en mode « time boxing ») et le domaine fonctionnel concerné rendaient le projet sensible.

Il a donc fallu opter pour une approche moins méthodiste afin que chacun puisse s’approprier les responsabilités qui étaient les siennes dans une logique de co-construction de la matrice RACI.

Les efforts ont porté sur la définition des responsabilités en écoutant l’ensemble des parties prenantes, en prenant en compte leur vision de leur positionnement afin d’éviter des situations de blocage (liée à un logique hiérarchique descendante).

En fonction des compétences de chaque équipe, nous avons fait preuve de pédagogie pour expliciter les travaux attendus, les adhérences avec les autres équipes.

Une fois les responsabilités bien définies, et bien intégrées par les équipes, cette matrice RACI a été partagée lors d’un séminaire réunissant l’ensemble des parties prenantes afin de mettre chacun devant ses responsabilités.

Responsabiliser les équipes en les challengeant

Une fois le cadrage d’un projet / programme réalisé, et la matrice RACI établie, le plus dur reste à faire : faire vivre cette matrice et mettre les équipes devant leurs responsabilités afin de faire avancer les travaux dans le calendrier prévu.

C’est un travail de chef d’orchestre et TASMANE a acquis un véritable savoir-faire dans l’art de responsabiliser les équipes afin qu’elles jouent leur partition.

TASMANE a œuvré dans l’accompagnement au pilotage d’un grand projet de modernisation, dans le domaine de la protection sociale, avec une portée hautement stratégique.

Nous avons rapidement constaté un manque de coordination, avec des chantiers qui progressaient peu ou qui étaient au point mort.

Afin de lancer un pilotage dynamique, le point a été pris de responsabiliser davantage les acteurs de chaque chantier sur les activités à réaliser et les livrables à produire, au regard du calendrier fixé :

• Clarification des activités et livrables attendus sur chaque chantier, et identification des leaders côté organisme de protection sociale, et côté prestataire.

• Création d’une dynamique de réunions et de co-construction pour chaque chantier, rassemblant les acteurs concernés,

• Accompagnement des leaders dans le cadrage de leurs chantiers, dans l’animation des réunions, et dans la prise de décision, via formulation de recommandations et coaching.

EN SYNTHÈSE

Responsabiliser les équipes est crucial pour la bonne réussite d’un programme. Il s’agit bien entendu de s’assurer de l’efficience opérationnelle de celui-ci en faisant avancer les travaux avec des personnes responsabilisées sur leur domaine d’intervention.

Mais RESPONSABILISER va bien au-delà des problématiques de gestion opérationnelle de programme. Indirectement, l’enjeu poursuivi est l’adhésion de l’ensemble des équipes aux objectifs collectifs du programme et ainsi les FÉDÉRER.

Savoir-faire n°2 : FEDERER

Prenez soin de vos équipes, elles prendront soin de vos projets ! 

Les personnes sont le dénominateur commun de tout projet. Lorsque le groupe constitué est actif, motivé, et rassemblé autour d’un objectif commun, l’esprit d’équipe, l’émergence de nouvelles idées et la productivité sont fortement augmentés. Il s’agit d’un but à atteindre dans toutes les organisations, et il est reconnu aujourd’hui qu’arriver à fédérer une équipe de travail est une des clés majeures de la réussite de tout projet. En théorie, cela semble logique et atteignable ; dans les faits, des défauts de cohésion sont souvent observés et il convient dans ce cas d’en identifier clairement les causes et de déployer les actions correctives adéquates.

Les fondamentaux permettant de fédérer des équipes

L’expérience de nos missions nous a conduits à identifier plusieurs grands facteurs pouvant conduire à une meilleure fédération dans les projets/programmes.

1/ Comprendre et partager les objectifs du projet

Le premier point dont il faut s’assurer est que le groupe partage bien la même compréhension et les mêmes objectifs sur le projet qui le réunit. Là où par exemple, on observe naturellement ces mécanismes de fédération dans le monde associatif, où les personnes se rassemblent d’elles-mêmes autour d’un sujet, qui les touche ou les passionne, et se mobilisent de manière bénévole et où les mécanismes de cohésion se développent d’eux-mêmes, dans l’entreprise il n’en va pas toujours ainsi. En effet, c’est un sujet qu’il faut garder sous surveillance permanente.

Cette compréhension des enjeux constitue un puissant élément de cohésion. Cette action systématique dans le programme permet de créer une vraie fédération de l’équipe autour d’une cause exposée pratiquement et concrètement à chacun et dont l’utilité ne peut être remise en cause.

La cohésion des équipes s’anime tout au long du projet, et ne peut se faire par à-coups. Le garant de cet objectif doit être le responsable du projet. Il convient donc, lors de sa sélection, de prendre en compte ce facteur important et de vérifier sa capacité à fédérer les équipes. Cette qualité est difficilement évaluable lors d’un entretien, mais, son charisme, son leadership, ses capacités à communiquer largement et avec tout type de profils, sa capacité d’écoute, sont des points dont il faut s’assurer lors de son recrutement car c’est lui qui devra créer le dénominateur commun de l’équipe.

2/ Associer l’équipe aux décisions et permettre à chacun de se sentir acteur

Pour rassembler, un axe fort est également d’associer chacun à la construction des décisions du projet. C’est un bon moyen de permettre à chacun de se sentir acteur en mettant tout le monde au même niveau de participation. Les décisions appartiennent à l’équipe projet ce qui crée indéniablement l’esprit de groupe. La tendance actuelle au « Flat management » dans certaines organisations est une pratique managériale qui vise à fédérer les équipes par la création d’une proximité, impossible dans les profondes pyramides hiérarchiques observées sur certains projets.

Il faut cependant veiller à ce que cette idée fédératrice n’entraîne pas l’organisation dans deux pièges :

• Un ralentissement des circuits de décision lié à de trop longs processus de discussions et d’échange dans lesquels la recherche de compromis pourrait nuire à la vélocité globale du projet. Cela demande donc au chef de projet de savoir identifier les sujets sur lesquels solliciter la participation de ses collaborateurs ou pas. En cas de décisions moins collaboratives, un bon niveau d’information de l’équipe suffit souvent à garder les esprits soudés.

• Un défaut de définition claire des missions de chacun. Car le fait de mettre tout le monde au même niveau sur certains sujets ne doit pas occulter le fait que les rôles et responsabilités de chacun ne sont pas les mêmes dans un projet. Chacun doit avoir une fiche de poste claire et partagée avec tous, car les missions mal définies ou concurrentes sont souvent à l’origine de problèmes relationnels pouvant gravement nuire à la cohésion du groupe. Il est important de permettre à chacun de comprendre le travail de ses coéquipiers et d’organiser clairement les coopérations entre postes.

3/ Mettre en place un environnement propice à la culture de groupe 

Le troisième point fondamental pour fédérer est l’instauration d’une organisation bienveillante et d’un environnement de travail propice à l’épanouissement de chacun, mais aussi du groupe. On sait que l’environnement joue beaucoup sur les relations humaines et qu’il peut être plus ou moins propice au rapprochement entre les personnes. L’inamovible BabyFoot placé dans les salles de repos de toutes les startup du monde est l’exact symbole de cette recherche de « lien » entre les membres du groupe. Il représente toutes les facettes de ce qui doit conduire à la cohésion du groupe : plaisir au travail, équilibre temps de travail/pauses, esprit d’équipe, compétition positive, entraînement régulier…

En ajoutant à un lieu de travail agréable, une surcouche de rituels réguliers au sein

de l’équipe, le groupe se verra indéniablement renforcé.

4/ Développer les pratiques collaboratives

Enfin on peut ajouter, qu’en plus de tous les efforts « humains » qui peuvent s’envisager pour permettre la fédération du groupe, les outils de communication, et de collaboration jouent désormais un rôle prépondérant la construction du groupe.

Sur le plan des pratiques collaboratives au sein des projets, un des éléments structurants dans le maintien du lien dans l’équipe, bien mis en évidence lors de la crise COVID 19, est l’utilisation d’un outil de collaboration performant qui permet l’échange instantané, les videocall, le partage de documents, et le travail en mode collaboratif sans difficulté.

Savoir-faire n°3 : DECIDER

Inscrire la gouvernance d’un programme dans celle d’une organisation

Nous l’avons vu auparavant, tout programme de transformation possède ses propres caractéristiques qui doivent toutefois s’inscrire dans l’organisation existante.

Les circuits de décision d’un programme peuvent être « en décalage » avec la gouvernance existante d’une organisation car ces derniers ne répondent pas aux mêmes objectifs/contraintes que celles de la vie courante d’un service, d’un département, d’une Business Unit…

Tout l’enjeu, dans l’instauration de la gouvernance d’un programme, est de créer « des passerelles » entre les comités existants régissant la vie d’une organisation et les instances de celui-ci pour permettre une remontée d’informations et une prise de décisions efficientes.

Avant de mettre en place une gouvernance du programme, il est important :

  • D’avoir une vision exhaustive des instances déjà mises en place dans l’organisation et de cerner les objectifs poursuivis
  • De cartographier les parties prenantes qui contribuent au programme
  • De cartographier les « jeux d’acteurs ». 

Ces deux points permettront de définir les comités à mettre en place pour le programme, leur niveau de prise de décisions (stratégiques, tactiques ou opérationnelles), leurs fréquences, leurs participants et l’interfaçage, en termes de remontée d’information / décisions avec les instances historiques de l’organisation.

Sensibiliser et préparer à la prise de décision

Structurer la gouvernance d’un programme ne suffit cependant pas à assurer une prise de décision efficiente.

Deux cas de figure sont généralement rencontrés dans nos missions :

• Les décisions à prendre dans le cadre de la gouvernance du programme, souvent émanant des équipes opérationnelles (logique de bottom-up)

• Les décisions réfléchies au sein de la direction de programme pouvant impacter la trajectoire de celui-ci (logique top-down)

Tasmane a l’intime conviction qu’il faut :

1 – Sensibiliser et mettre en conditions les décideurs (directeur de programme, sponsors…)

Certaines décisions, au regard des impacts associés, peuvent être difficiles à prendre, il n’en reste pas moins qu’elles doivent être prises.

2 – Préparer les prises de décision relevant de la gouvernance du programme

Il est indispensable de donner du sens aux arbitrages demandés en comité, qu’il soit opérationnel ou stratégique. Cela doit devenir un automatisme pour les équipes et passe par la constitution d’un dossier d’aide à la décision qui permet de :

• Contextualiser la problématique,

• Exposer les orientations / scénarios répondant au problème rencontré

• Comparer les scénarios sous l’angle avantages/inconvénients et impacts associés

• Mettre en avant le scénario préconisé

• Expliciter la ou les décisions attendues

C’est un exercice de style pas forcément facile à aborder pour les équipes qui sont bien souvent débordées par les activités opérationnelles du programme.

Nous les accompagnons souvent dans la constitution de dossiers de prise de décisions en les questionnant par itérations afin d’avoir un raisonnement abouti.

Il y a un équilibre à trouver entre un dossier trop étayé, trop lourd à analyser qui peut entrainer des biais décisionnels et un dossier trop léger qui ne permettrait pas d’être suffisamment informé et ne contiendrait pas suffisamment de matière pour réflexion.

Tasmane est intervenu dans l’accompagnement au pilotage d’un grand projet de modernisation, dans le domaine de la protection sociale, où il a eu un rôle de facilitateur / accélérateur dans la prise de décision.

Une fois arrivés sur la mission d’assistance, nous avons identifié une divergence de vision entre notre client et son principal prestataire, en charge de la conception et de la réalisation, vis-à-vis du périmètre de la solution attendu à une date donnée. Le périmètre, et le planning de livraison associé, n’avaient pas été correctement définis en phase de cadrage, une zone de floue subsistait et la réussite du programme était grandement compromise : livraison d’une solution ne répondant pas aux besoins essentiels du client (notion de socle /MVP), mise en service tardive et ne répondant pas au calendrier de modernisation du client…

Nous avons donc rapidement lancé une démarche visant à mettre en condition les décideurs pour favoriser la prise de décision de manière efficiente : « définir un MVP et une trajectoire réaliste » et pour cela nous avons menés les actions suivantes :

• Réaliser une analyse périmètre/calendrier et veiller à la mise à disposition d’éléments d’aide à la priorisation.

• Organiser et animer plusieurs « bocal planning »

Nous avons réussi, au bout de 3 séances à mettre la direction de programme du client et le prestataire d’accord sur le périmètre fonctionnel et le calendrier programme associé.

 

Préparer les prises de décision relevant de la direction programme

Notre expertise en gestion de programme est reconnue chez beaucoup de nos clients historiques. Cette relation de confiance permet d’entretenir une intimité auprès de décideurs (directeur de programme, sponsors) et de mener un conseil rapproché sur la gestion du programme.

Dans une direction de programme, il est important de mener régulièrement une revue des risques, une revue de la trajectoire et de les mettre en perspective avec les éléments / informations remontés par les équipes opérationnelles afin de les rendre objectiver.

Cette analyse doit permettre d’anticiper les dérives, les aggravations de risques et de réfléchir aux différents scénarios possibles de traitement.

Ces réflexions doivent potentiellement amener à la prise de décision « en chambre », au sein de la direction de programme, quand la situation programme se détériore : baisse de périmètre, report de date de mise en production…

Il s’agit là de sensibiliser nos clients décideurs à la préparation de décisions « top-down » qui seront partagées dans les comités du programme et qui seront suivies d’effets.

Récemment, pour le même client, cité précédemment, où nous avons fluidifié la prise de décision, nous nous sommes entretenus avec le directeur du programme pour exposer notre vision de l’avancement de certains chantiers.

Notre expertise, couplée avec les éléments récupérés en comité, nous permettait de reconsidérer un risque critique impactant la trajectoire et pour lequel il était indispensable de prendre une décision avec 3 alternatives :

•  Accepter le risque : et accepter un décalage de planning et/ou une réduction de périmètre

• Éliminer le risque : renforcer les équipes pour tenir les engagements initiaux

• Réduire le risque : prévoir un « plan B » en redéfinissant le MVP

L’analyse factuelle et objective de Tasmane et la mise en perspective sur la matrice de risque avait pour but d’anticiper les évènements sur le programme et sensibiliser / discuter avec le client en amont sur la décision à prendre dans les instances.

 

EN SYNTHÈSE

Décider et décider efficacement est vital pour la bonne réussite d’un programme. Il faut mettre en place une gouvernance et des processus qui permettent de fluidifier la prise décision et de la prendre au bon moment, au bon niveau et au bon rythme. C’est à ces conditions que la direction de programme sera en capacité de faire face aux aléas, d’anticiper les évènements et de sécuriser les engagements.