Mettre en place l’agilité à l’échelle de l’ensemble d’une entreprise est un vrai challenge. Une fois les premiers échelons gravis (déploiement de l’agilité pour des petites équipes), les vraies difficultés apparaissent.

 

Il n’y a pas de modèle ou de référentiel méthodologique unique pour la transformation vers l’agile

Il faut surtout éviter les dogmes. Chaque entreprise doit s’inspirer des meilleurs frameworks (SAFe, Scrum, Spotify) pour créer son propre framework intégrant notamment sa propre conception de la gouvernance et du management.

L’agilité à l’échelle n’a pas la même portée dans une entreprise historique que dans une start-up ou dans une entreprise technologique dont le cœur de métier est le logiciel. L’entreprise historique a toute une culture à transformer et beaucoup de remises en cause à la fois des process, des pratiques, des rôles, de la gouvernance. Et bien sûr des hommes ! C’est pourquoi nous distinguons deux axes pour le passage à l’échelle :

  • L’axe horizontal qui consiste à faire fonctionner ensemble plusieurs équipes agiles, plusieurs « Product teams »
  • L’axe vertical qui consiste à faire l’évoluer l’écosystème des équipes agiles pour que celui-ci se mette au diapason des valeurs de l’agilité et ne soit pas un frein à la montée en puissance sur l’agilité

 

L’agilité à l’échelle sur deux axes : horizontal et vertical
1 – L’axe horizontal : des équipes en phase, synchronisées, collectivement efficaces

Créer une vision partagée

Toutes les équipes doivent se retrouver autour d’une vision commune de l’ambition, des challenges, des objectifs, des obstacles. Cette vision qui part du plan marketing stratégique, se reflète dans le backlog commun. Les priorités sont traduites dans la feuille de route.

Pour chaque itération dans le sens de cette feuille de route, des objectifs, des attentes et des engagements sont partagés par les équipes via des cérémonies dédiées. Les
équipes doivent prendre les bonnes orientations sur leur périmètre d’autonomie et de responsabilité afin d’atteindre ces objectifs. Autonomie dans l’alignement sur la vision commune qui a été posée. Des équipes auto organisées, dans un cadre commun, clair et partagé.

Cadence et synchronisation

La cadence rythme les événements du processus de développement et créé les routines auxquelles s’accrochent les développeurs. La synchronisation permet aux équipes de communiquer leurs avancements, de traiter les dépendances et de gérer les risques. En combinant les deux principes, cadence et synchronisation, les équipes garantissent qu’elles restent alignées en :

• convertissant les événements imprévisibles en événements prévisibles (partage d’information)

• soutenant la planification régulière et la coordination entre les équipes

• fournissant des points de rencontre pour l’intégration des livrables

• anticipant et évitant que plusieurs événements se produisent en même temps

Transparence

La transparence génère la confiance. Elle se traduit dans les bonnes pratiques :
Toutes les équipes, toutes les parties prenantes peuvent consulter les backlogs et les Kanbans. Et  sont intégrées dans la prise de décision sur les objectifs des releases (lors de la cérémonie prévue pour cela).

Chaque équipe a de la visibilité sur l’avancement des travaux de toutes les autres équipes. Les rétrospectives sont utilisées par toutes les parties prenantes concernées pour proposer des améliorations à partir des leçons apprises. L’amélioration repose sur des mesures objectives (KPI) disponibles pour toutes les équipes. La vélocité et les travaux en cours (WIP) des équipes sont des éléments partagés.

Il est par exemple intéressant de mettre en place un indicateur sur le nombre de releases. Plus on augmente le nombre de releases, plus on augmente la proximité avec les utilisateurs.

L’organisation agile doit mettre en place les rôles leaders qui vont porter la montée à l’échelle de l’usine logicielle : Product Manager, Delivery Lead, Architecte plateforme, RTE, developper experience, coach, …

 

2- L’axe vertical : onboarding de l’écosystème

On boarding des métiers

Les métiers doivent évoluer pour comprendre, adopter et pratiquer efficacement les nouveaux rôles du Marketing Digital et du Product Management. C’est une vraie difficulté que d’onboarder les métiers et leurs managers et notamment une vraie difficulté pour staffer des product owners qui savent réellement pratiquer ce rôle.

La bonne idée est de mettre en place une « Product Management Academy », à l’intérieur de l’entreprise, capable de fournir chaque année un contingent de PO formés et exercés.

Onboarding du Legacy

Le passage à l’échelle ne s’opère que si le Legacy se met au rythme de l’usine agile. Il faut donc une forte coordination pour être en phase sur les flux, les règles de gestion, les référentiels de données, les mises en prod, les plannings, …

Dans certaines configurations où les produits digitaux réalisés par l’usine agile sont fortement couplés avec du legacy de backoffice, il est même très utile de mettre en place un rôle dédié à la coordination.

Et l’usine agile devient de fait un allié pour faire évoluer le legacy, pour en récupérer des fonctionnalités, pour le décommissionner par parties.

On boarding du top management 

Peut-être le point le plus délicat. Il faut faire preuve de pédagogie et de ténacité. Et surtout ne pas laisser croire aux managers que l’agilité est un sujet simple, qui se comprend en survolant les concepts. Une implication minimale, donc du temps, est nécessaire. Ce n’est pas une nouvelle méthode des gens du SI, c’est une transformation profonde de l’entreprise, sur tous ses axes.

Il est nécessaire d’inclure le top management dans la transformation en le sensibilisant sur les impacts culturels forts qu’engendre la mise en place de ce type de démarche. C’est la condition pour bénéficier d’un sponsorship fort de ce top management.

Une des principales difficultés identifiées pour embarquer le top management est son manque de disponibilité, mais aussi la présence d’anciens réflexes (culture financière du ROI, KPI, « command & control »).

Onboarding du middle management

Avec l’agilité à l’échelle, il y a moins de niveaux de management et les managers qui subsistent deviennent des leaders chargés de faire progresser les équipes sur le registre de l’autonomie.

Le passage à l’agilité à l’échelle peut effrayer le middle management qui ne se projette plus dans cette nouvelle organisation et voit son rôle radicalement transformé. C’est souvent à ce niveau de management que les plus gros freins et inquiétudes apparaissent.

Il faut les convaincre que cette transformation est passionnante et s’inscrit complètement dans le sens de l’histoire, dans l’évolution des pratiques managériales attendues par la grande majorité des collaborateurs. Elle les met dans une nouvelle dynamique, leur fait développer de nouvelles compétences d’empathie, d’écoute et de développement des collaborateurs.

De nouveaux rôles émergent des transformations agiles (ambassadeurs, coachs, manager RH, chef de squad).

Et il y a de la place pour tous ceux qui veulent y aller plus progressivement : tout ne passe pas en agile (il reste du legacy, des projets classiques, des progiciels et des ERP) et l’entreprise a toujours besoin et même encore plus d’expertise et de “doers”.