Sullyvann Monteil, consultant senior Tasmane, vous présente ses tendances pour l’année 2023 sur le secteur bancaire

Il est coutume de souhaiter les vœux en début d’année, mais 2023 s’annonce amère pour le secteur bancaire.

En cause : l’inflation entrainant une hausse des charges, couplée à une politique monétaire ferme de la part de la BCE pour la contenir et des exigences du gouvernement pour en limiter l’impact sur les ménages ; un mélange explosif est réuni pour mettre à mal les banques françaises.

La communication des résultats du T4 2022 qui aura lieu début février devrait confirmer la tendance qui s’est dégagée sur les 3 premiers trimestres. Au global, 2022 aura été un bon cru pour le secteur bancaire malgré un contexte macro-économique défavorable.

Rapide tour d’horizon sur les principales forces des acteurs du marché français aujourd’hui :

1. Une histoire riche et un ancrage profond

La plus ancienne banque française (hors banque de France) est le Crédit Agricole, fondé en 1894. Cet historique se paye parfois (SI vieillissant, couches successives), mais cela représente également un atout.

Par exemple dans la relation de confiance, dans l’expérience et l’expertise, mais aussi dans la réputation qui limite les actions de prospection.

Cet ancrage profond qui passe notamment par un réseau d’agences étendu permet une proximité avec les clients et assure un renouvellement de la clientèle sur un marché important.

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2. Une position de marché solide et un business model diversifié

La diversification a lieu d’abord d’un point de vue géographique, les banques françaises continuent depuis plusieurs années de renforcer leur présence à l’étranger, notamment en Europe.

Ensuite, les banques ont su s’adapter au fil du temps et trouver des relais de croissance en s’attaquant notamment aux « métiers spécialisés ». Cela passe par des investissements colossaux dans la gestion de flotte de véhicules par exemple et plus récemment avec la production d’énergies renouvelables.

Aujourd’hui, les acteurs principaux (La Société Générale, Crédit Agricole, BNP Paribas, …) ont des business model tentaculaires composés de multiples filiales adressant tout ou partie des métiers de la finance (banque de détail, banque d’investissement, assurance, leasing…)

3. Une résilience importante et une bonne capacité d’adaptation

L’enjeu principal des banques ces dernières années était leur transformation digitale, il est difficile de dire si celle-ci est terminée, mais des progrès significatifs ont été réalisés.

Plus récemment, nous pouvons également citer la capacité des acteurs historiques à tirer profit de la pression exercée par les fintechs en étant capables de s’adapter et de collaborer avec elles pour développer de nouveaux services et offres pour les clients.

Cela passe par exemple par un dispositif complet allant de la création d’incubateurs (l’Atelier BNP Paribas, Le Village by CA) au fonds d’investissement pour monter au capital des pépites (Fireca pour le CA) puis au partenariat ou au rachat. Une belle application du dicton « Sois proche de tes amis, et encore plus proche de tes ennemis ».

 

L’ensemble de ces éléments et le soutien massif du gouvernement et de la BCE lors des crises ont permis de maintenir les banques à flot ces dernières années et d’atteindre des bénéfices records par exemple avec les PGE lors de la crise du covid.

Mais les bonnes nouvelles seront vite effacées par la réalité du marché. Face à l’accumulation de facteurs négatifs :

1. La politique monétaire de la BCE pour réguler l’inflation et la baisse générale des demandes de financement

La BCE a une seule mission : maintenir la stabilité des prix dans la zone euro, c’est-à-dire une inflation cible à 2%. À fin décembre, l’inflation était de +9,2% dans la zone euro, un niveau en légère baisse, mais qui reste historique et maintient la pression sur la BCE.

Parmi les armes qu’a la BCE pour essayer d’agir sur cette inflation : la hausse des taux directeurs.

Ces taux permettent le refinancement des banques commerciales, il faudra y ajouter le coût de fonctionnement de la banque, le coût du risque, ainsi que sa marge commerciale pour atterrir aux taux proposés aux clients.

Les taux directeurs n’ont cessé d’être rehaussés depuis juin 2022. Les taux appliqués aux emprunteurs flambent donc mécaniquement depuis quelques mois avec un taux moyen à 2,65% sur 20 ans pour l’immobilier.

Sur le papier, cette hausse des taux à un effet positif sur les résultats des banques car il augmente la part du crédit dans une opération globale de financement.

Le risque est que la hausse du coût du crédit entraîne une baisse de la demande de financement. C’est d’ailleurs tout l’objectif de la BCE car une réduction de la demande permet d’équilibrer le rapport offre/demande et permet de calmer l’inflation.

L’impact de l’inflation sur les ménages et cette politique monétaire ferme ne se sont pas fait attendre, en effet on recense jusqu’à -44% de production de prêts immobiliers en valeur uniquement sur le dernier trimestre de l’année !

2. Les contraintes sur les tarifs appliqués

Une de premières contraintes que nous pouvons mentionner est le taux d’usure. Son mode de calcul et sa fréquence de mise à jour ont été critiqués de nombreuses fois ces derniers mois. En effet, dans le cas d’une augmentation rapide des taux, ce plafond censé protéger les consommateurs avait l’effet inverse en empêchant des opérations de financement.

Un « ajustement technique » temporaire permettra de corriger cet effet pervers en permettant une actualisation mensuelle du taux d’usure à partir du mois de février.

Deuxième contrainte : les demandes du gouvernement, notamment lorsque Bercy demande aux banques et sociétés d’assurance de contenir leurs tarifs afin de protéger le pouvoir d’achat des Français. Mouvement assez bien suivi par les banques selon l’analyse des nouvelles politiques tarifaires pour 2023.

3. La hausse des coûts

Avec les NAO, souffle un vent de hausse de la masse salariale pour le secteur bancaire, jumelé à une hausse des coûts informatiques notamment tirés par l’inflation sur les composants et enfin une hausse importante des taux réglementés. Le livret A passera à 3% à partir du 1er février avec un coût estimé de 2mds€/an pour 100 points de base, cela risque de peser lourd dans le résultat des banques.

Pour conclure, de nombreux signaux négatifs peuvent laisser pessimiste sur les horizons à court terme pour les banques françaises. Elles devront une fois de plus jouer leur rôle d’amortisseur pour protéger les ménages et les entreprises avant que l’enchaînement d’évènements n’entraîne une crise économique et financière qui aura un impact bien plus important.

Toutefois, nous pouvons saluer les efforts réalisés ces dernières années pour anticiper ce type de situation notamment en respectant et même dépassant une bonne partie des exigences réglementaires tels que les ratios de solvabilité.